Quitter l’enseignement | Ma reconversion #1
Vous aimez écrire ? Vous vous demandez s’il est possible de vivre de sa plume ? Enseignante, j’ai longtemps cru que je ne parviendrai jamais à concilier ma passion de l’écriture avec une vie professionnelle épanouie. Jusqu’à ce que je découvre le métier de rédactrice web.
Dans cette série de trois articles sur ma reconversion, je vous raconte mon parcours, de prof des écoles à rédactrice web.
Acte I : prendre la décision de quitter le milieu scolaire, après dix-neuf ans de carrière.
Professeur des écoles : partir ou rester ?
Première reconversion en 2002
Après des études en agro-alimentaire, j’ai fait un premier virage en 2002 pour passer le concours de professeur des écoles. J’ai travaillé seule chez moi, avec le CNED, et je l’ai réussi. Une fois titularisée, j’ai toujours eu des postes fixes : directrice puis enseignante adjointe. J’ai connu toutes sortes d’écoles, de 3 à 17 classes, en milieu rural et urbain, sur deux départements différents. J’ai enseigné à des élèves de tous âges, de la Petite Section au CM2, en classe simple ou multi-niveaux.
Année après année, le dynamisme de mes débuts s’est émoussé. J’ai commencé à me poser des questions sur ma « vocation ». Face aux difficultés rencontrées au quotidien, aux temps de trajet et à la fatigue, j’ai eu envie d’un métier plus calme, moins exposé aux regards et aux critiques. Et surtout moins chronophage.
Passer des concours pour quitter l’enseignement
En 2012, je me suis inscrite sur un forum pour les profs en reconversion afin de trouver une nouvelle voie professionnelle. Il me semblait alors que la seule solution pour sortir de la classe était de passer des concours de la fonction publique. Issue d’une famille de fonctionnaires qui valorise la sécurité de l’emploi, je n’ai pas du tout songé à l’entrepreneuriat. Mes trois enfants étaient petits. Je ne voulais prendre aucun risque.
Cette tentative de changement n’a pas abouti : le concours de SAENES (secrétaire administratif), que j’avais commencé à préparer, n’a pas été organisé dans mon académie cette année-là. Je suis donc restée instit.
Écrire un roman, un pas vers la liberté
En 2017, je me suis lancée dans l’écriture. MOOC Draftquest, ateliers d’écriture, publication de textes courts sur Short Édition, envoi de nouvelles lors d’appels à textes… Le démon de la plume a pris possession de moi. J’écrivais depuis l’enfance (journal intime, lettres, chroniques de lecture…) mais c’était la première fois que j’avais l’audace de partager mes écrits.
Au fil des mots, des lignes, des pages, j’ai osé raconter des histoires et les faire lire à des inconnus. L’une de mes nouvelles s’est transformée en roman et j’ai tenté l’aventure de l’auto-édition avec La douce amertume du café. Cette expérience m’a donné confiance en moi. La publication de deux de mes nouvelles dans le magazine l’Indé Panda et l’accueil chaleureux des lecteurs m’ont fait plaisir.
Burn out enseignant : savoir se rendre à l’évidence
Après avoir posé le cadre, revenons au sujet central de cet article : la reconversion professionnelle. Comment décide-t-on, un jour, de changer de métier ? Pour commencer, il faut réussir à être honnête envers soi-même.
Presque chaque année, pendant ma carrière de prof des écoles, j’ai eu des difficultés : avec des élèves, des parents, des collègues ou l’institution. Chaque fois, je « m’auto-rassurais » en me disant que des circonstances professionnelles ou personnelles expliquaient ces difficultés : classe chargée cette année-là, changement de niveau, méthode de maths ou de lecture non adaptée, nouveaux programmes inapplicables… On peut toujours trouver une explication « logique » pour légitimer les conflits et la violence morale.
Même si le burn out m’a ouvert les yeux, je les ai vite refermés. En janvier 2020, j’ai quitté mon poste en affirmant : « Plus jamais je ne mettrai les pieds dans une classe ». Arrêt maladie jusqu’en juillet. Épuisement. Stress post-traumatique.
Neuf mois plus tard, à la rentrée, je retournais au front à l’école. Pourquoi ? Parce que j’avais enfin obtenu le Graal derrière lequel je courais depuis des années : un poste à 5 km de mon domicile. Finis les longs trajets en voiture. Nouvelle école, nouvelle équipe. J’allais prendre un nouveau départ. J’en étais persuadée : j’allais enfin m’épanouir dans ce métier !
- Le corps n’oublie rien.
- Le corps ne ment jamais.
Ces deux phrases sont les titres de deux livres essentiels sur le traumatisme. J’avais lu le premier. Et pourtant…
→ Vous pouvez lire aussi : Burn out prof : rester ou partir ?
Quand le déclic arrive : changer de métier
Tenir plutôt que s’épanouir
J’ai fait une année scolaire complète sur mon nouveau poste. Très fière de n’avoir eu aucun arrêt maladie pendant ces dix mois (seulement deux petits jours suite à la première injection du vaccin Pfizer). En juillet 2021, j’étais fatiguée par cette année en classe avec le masque, sur fond de crise sanitaire, mais heureuse d’avoir tenu, malgré tout. J’avais eu une classe sympa. J’avais mené de beaux projets autour de l’écriture et du Vendée Globe. Je pensais avoir retrouvé le plaisir d’enseigner. Cette année 2020-2021 aura été mon chant du cygne.
Laisser le vase déborder
À la rentrée 2021, mon corps a dit STOP ! Malgré mes efforts pour changer mon alimentation, les symptômes s’accumulaient. Au niveau moral, le doute m’avait rattrapée. Je me posais beaucoup de questions sur mon métier. Et la goutte d’eau est arrivée en octobre 2021.
Ce fut un tout petit événement. Pas grand chose. Un simple refus de l’administration. J’ai raté un moment essentiel dans la vie de mon fils parce qu’on ne m’a pas autorisée à prendre une journée pour y assister.
J’avais rempli correctement le formulaire, avec le justificatif nécessaire et la signature de la directrice de l’école. J’étais certaine qu’on allait m’accorder cette petite journée, un vendredi, la veille des vacances de la Toussaint. Le verdict est tombé : absence refusée ! Dégoûtée, j’ai envoyé un courrier de recours au Directeur académique. Refus maintenu !
J’ai pleuré, de tristesse et de rage. Et j’ai (enfin) compris que je ne supportais plus le carcan de l’Éducation nationale.
Être lucide sur sa « vocation » de prof
Certains d’entre vous sont peut-être profs et s’épanouissent dans ce métier. Je vous comprends : c’est passionnant d’aider les enfants à grandir. Et je vous envie. J’aurais aimé continuer, avoir encore d’autres élèves, les accompagner vers leur avenir, leur apprendre de belles choses, éveiller leurs consciences. Malheureusement, pour moi, l’épanouissement au travail en tant qu’enseignante n’a pas été possible. Je n’ai pas trouvé la recette. Peut-être n’étais-je tout simplement pas faite pour ce métier ?
À l’heure actuelle, je n’ai plus de regrets. Je garde de bons souvenirs de ma carrière d’enseignante : des rires d’enfants, des sorties culturelles, des projets dynamiques, des progrès admirables… Je pourrais en faire un roman.
[Ajout d’octobre 2022 : finalement, j’ai préféré écrire Le Guide de la Reconversion des Profs, pour aider les enseignants qui veulent prendre un nouveau départ.]

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Quitter l’enseignement : trouver sa voie
Nous en étions donc à la fin du mois d’octobre 2021, quand j’ai enfin admis que c’était terminé : j’allais me reconvertir ! Je suis donc retournée sur le forum Quitter l’enseignement. Et j’ai parcouru les messages, les discussions, les pistes de reconversion proposées.
Une double révélation
La première révélation est venue d’une discussion sur le métier de rééducatrice en écriture. Je me suis imaginée dans un cabinet libéral, accueillant des enfants pour leur réapprendre les bons gestes d’écriture, accompagner leurs progrès, saluer leurs réussites. Et j’ai compris une chose : j’avais envie de liberté.
Si j’ai abandonné cette piste de reconversion, j’ai conservé cette certitude :
Je veux créer une entreprise pour travailler en toute liberté.
La deuxième révélation est venue d’un podcast intitulé Avant, j’étais prof. Dans l’épisode que j’ai écouté, Élodie racontait son parcours de reconversion de l’enseignement à la rédaction web. Elle mentionnait la formation de Lucie Rondelet. En écoutant, j’ai eu une révélation : j’ai découvert qu’on pouvait gagner sa vie en écrivant !
Alors je suis allée sur YouTube, j’ai regardé des vidéos et j’ai pris ma décision :
Je vais devenir rédactrice web freelance.
Conseils pour ceux qui doutent
Si vous avez envie de changement dans votre vie professionnelle, je vous conseille d’être curieux. Cherchez, lisez, écoutez des podcasts, regardez des vidéos… pour trouver ce qui vous correspond. N’hésitez pas à discuter avec des personnes reconverties ou en cours de reconversion, sur des forums ou des groupes Facebook. Elles seront ravies de partager leur expérience !
Prenez des notes sur toutes vos découvertes et faites votre introspection :
- Avez-vous des passions, des centres d’intérêt que vous voudriez développer ?
- Qu’est-ce qui vous attire dans tel ou tel métier ?
- Quels sont les risques que vous êtes prêt à prendre ?
- Quelles sont vos valeurs, les choses importantes pour vous (par exemple, ce peut être la sécurité de l’emploi, avoir un salaire fixe chaque mois, rester dans la même région, travailler en équipe…) ?
- Comment imaginez-vous votre vie professionnelle dans 2, 3, 5 ou 10 ans ?
- Quelles sont vos compétences ? Les profs ont beaucoup de talents et de capacités qu’ils ont tendance à sous-estimer : autonomie, polyvalence, gestion de projets, travail en équipe, respect des délais, pédagogie, sens de l’écoute, empathie, aptitude aux relations sociales…
Bonne recherche !
Dans le prochain article, je vous parlerai de mon choix de devenir rédactrice web. En quoi consiste ce métier du Net ? Quel est le profil d’un bon rédacteur web ? Pourquoi faut-il se former pour travailler dans la rédaction web ?
Enfin, dans un troisième et dernier article, je vous raconterai les étapes de mon parcours : les débuts de la formation, la demande de rupture conventionnelle, l’écriture pour des plateformes de rédaction et mon projet de micro-entreprise.
Merci pour cette série d’article Natacha sur ton parcours, tes remises en question et ton cheminement intérieur.
J’ai hâte de savoir ce qui se cache derrière « rédactrice web »!
Pour ma part, la sécurité financière est mon essentiel donc j’ai lâché la reconversion et je suis revenue à ce que je savais faire le mieux, si l’on peut dire, mais en changeant de poste!
Est-ce que je n’aurai pas envie d’autre chose, plus tard, peut-être? Je me laisse le temps…
Belle journée et au plaisir de suivre cette nouvelle série d’articles
La suite arrive bientôt, Marie.
Tu as raison : il faut savoir faire machine arrière quand nos impératifs ne sont pas respectés. Peut-être que tu auras d’autres aspirations plus tard et que les circonstances seront plus favorables à une reconversion. Il m’a fallu dix ans avant d’y parvenir. La patience finit toujours par porter ses fruits.
Bonne journée !
Même si je ne suis pas enseignante, je connais bien ce carcan de l’Education Nationale dont tu parles… Moi aussi je me sens enfermée, étouffée, prisonnière… Ecouter des podcasts a été un bon moyen pour moi de me projeter, d’oser envisager une reconversion… Il en a fallu, des heures d’écoute, pour me dire que, peut-être moi aussi je pouvais faire ce grand saut ! Aujourd’hui, je suis toujours en poste, je me laisse l’année pour continuer mon cheminement vers la rédaction Web. Mon manque de confiance en moi est un gros frein, mais je me rends compte que c’est aussi une sorte de défi à relever. En changeant de métier, si j’ose le faire, je gagnerai en confiance et affirmation de moi ! J’ai hâte de voir ce que me réserve la suite…:)
Bonjour Claire,
Félicitations à toi pour avoir fait ce premier pas : se renseigner, lire, écouter, s’inspirer du parcours des autres…
C’est un premier pas sur le chemin de la reconversion, un chemin que chacun(e) parcourt à son rythme. Sur cette route, il est toujours possible de bifurquer vers une autre voie, ou de faire demi-tour pour revenir à son métier d’origine.
Je te souhaite une belle randonnée !