Burn out des profs : rester ou partir ?
Le burn out des enseignants n’est plus un sujet tabou. Les profs en souffrance dans leur métier sont de plus en plus nombreux. Pourquoi ? Faut-il rester professeur toute sa vie ? Ou quitter l’enseignement pour débuter une seconde carrière ? La reconversion des profs peut paraître difficile, mais elle est possible.
Table des matières
Burn out : souffrir d’enseigner
Le nombre de démissions dans l’Éducation Nationale ne cesse d’augmenter. Les profs sont de plus en plus nombreux à vouloir changer de métier, parfois dès leur année de stage. Environ 1400 profs ont ainsi quitté leur emploi en 2018-2019. Sur ces cinq dernières années, la hausse est de 200 démissions supplémentaires chaque année. Cela peut sembler faible pour un effectif global de plus de 800 000 profs en France. Pourtant, cette saignée est révélatrice d’un mal-être enseignant qui ne cesse de croître. Une souffrance au travail qu’il convient d’étouffer : #pasdevague.
Devenir prof : un rêve ?
Quelle image avez-vous du métier de prof ? Certainement un souvenir de vos années d’écolier. Devenir maître ou être maîtresse d’école est une vocation que certains ont depuis l’enfance. C’est bien connu : les profs ont un job de rêve. Un enseignant du primaire travaille 24 heures par semaine devant les élèves et dispose de 16 semaines de vacances par an. Il a des horaires fixes, des mercredis et des week-ends libres. Il touche un salaire constant. Sans parler de la sécurité de l’emploi, que beaucoup lui envient.
Prof : les risques du métier
Enseigner sans formation
Pourtant, la réalité n’est pas rose. La formation initiale des enseignants s’est dégradée. Dès la réussite au concours, il faut être capable d’enseigner et apprendre sur le tas. Imaginez-vous seul(e) dans une classe avec la responsabilité de 20, 25, voire 30 élèves. Comment vous en sortiriez-vous ?
C’est ce que vivent les professeurs stagiaires. Ils passent leurs soirées à préparer la classe, corriger des cahiers, élaborer des projets… Ils y consacrent également leurs mercredis, ainsi qu’une partie de leurs week-ends et de leurs vacances. Et ce n’est pas tout…
Prof : un métier administratif ?
Un prof doit gérer les rencontres avec les parents d’élèves, les réunions d’équipes, les projets d’école, les sorties scolaires… et répondre aux demandes de l’institution. Les aspects administratifs sont devenus de plus en plus chronophages (mails professionnels, formulaires à remplir, informations à transmettre aux parents, rédaction d’un programme personnalisé pour chaque élève fragile, activités pédagogiques complémentaires…). Face à cette charge de travail qu’ils n’avaient pas imaginée, de nombreux profs craquent après quelques mois ou quelques années de carrière.
Les élèves changent
Et puis il y a les plus anciens, recrutés au siècle dernier. Ils vous diront que les élèves ont changé. Moins attentifs, moins intéressés… La faute aux écrans ? Ou aux parents ? Les aspects éducatifs envahissent le quotidien de la classe et de la cour de récréation. Il faut sans cesse intervenir pour éviter des conflits, désamorcer les tensions, apaiser, motiver, encourager, féliciter… et répéter. Répéter, répéter, répéter… sans cesse. Pour tout : se ranger dans le couloir, sortir son cahier rouge, écrire la date, ranger la feuille d’histoire, se taire, écouter… Les capacités d’attention semblent s’émousser au fil des ans. Comment motiver les élèves ? C’est la grande question que se posent les profs aujourd’hui.
Malaise des profs : comment y remédier ?
Le livre Souffrir d’enseigner, faut-il partir ou rester ? a été publié en octobre 2013 par l’association Aide aux profs. Il dresse un état des lieux de la situation et propose des stratégies individuelles pour limiter les risques de burn out.
Analyser son estime de soi, apprendre à gérer le stress, déterminer son état de bien-être général, s’interroger sur ses relations interpersonnelles, diversifier ses activités professionnelles et développer son bien-être personnel pour retrouver la motivation : de nombreux outils existent pour comprendre et évoluer. Encore faut-il en prendre conscience à temps… Le burn out est un processus long. Il fait suite à un état de stress chronique qui s’est installé progressivement avec de nombreux symptômes : fatigue, insomnie, troubles digestifs, maux de tête, migraine… L’enseignant consciencieux poursuit son travail malgré tout, en minimisant sa douleur et son mal-être. Jusqu’à l’épuisement. C’est le burn out, l’effondrement physique et psychique d’un corps trop longtemps malmené.
Témoignages : burn out dans l’Éducation Nationale
On trouve des témoignages de burn out enseignant sur internet. Pour ma part, je me suis effondrée en janvier 2020. Il m’a fallu de longs mois pour remonter la pente.
Après le burn out enseignant
Il y a l’avant burn out. Et l’après burn out. Une fragilité qui persiste. Des doutes sur le métier de prof, sur l’institution, sur ce contexte professionnel associé à des blessures profondes. J’ai réussi à remonter en selle, à retourner enseigner à la rentrée 2020. Nouvelle école. Nouveau départ. Il a fallu tout reconstruire : apprendre à travailler avec de nouveaux collègues, rencontrer des parents inconnus, s’adapter à des élèves d’un milieu social différent, préparer une classe à double niveau… Un défi quotidien, avec cet objectif permanent dans la tête : ne pas lâcher.
Contexte sanitaire
Continuer d’enseigner, bon gré mal gré. Je ne voulais plus remettre le doigt dans l’engrenage des congés de maladie. Ne plus m’arrêter. Le confinement d’avril 2021 m’a sauvée : j’étais sur le point de craquer, après un mois de mars difficile et anxiogène. Finalement, c’est le vaccin qui aura eu raison de ma détermination : deux jours d’arrêt après la première dose fin mai. Fièvre et état grippal après la deuxième injection (en juillet, au début des vacances).
Prof et ensuite ?
Un jour, la question se pose : faut-il se résigner à tenir jusqu’à la retraite ? Ou envisager une autre carrière, ailleurs ? Il est difficile de changer de métier quand on est prof. Certains y parviennent, malgré tout. Ils semblent heureux d’avoir quitté le « Mammouth » si on en croit leurs témoignages. Le podcast de Florence Avant, j’étais prof nous donne un aperçu de leur vie d’après. Une de ces joyeuses reconverties, Élodie, a créé le site Prof et ensuite, pour accompagner les enseignants souhaitant eux aussi tracer une nouvelle voie professionnelle.
Ce type d’initiatives se développe. Il donne l’espoir de voir un jour la reconversion des enseignants devenir plus facile. Quitter l’enseignement et surtout la sécurité du statut de fonctionnaire semble une folie à l’heure actuelle. La rupture conventionnelle, permettant de toucher des allocations de chômage (et parfois une indemnité de départ), n’est en place dans la fonction publique que depuis janvier 2020. Pourtant, rien n’est impossible, si on se donne l’audace et les moyens d’y parvenir.
Si vous êtes prof, comment vivez-vous votre métier ? Avez-vous déjà songé à quitter l’enseignement ?
Découvrez mon témoignage sur ma reconversion dans une série de 3 articles :
→ De prof des écoles à rédactrice web
Bonjour Natacha,
Je ne suis pas prof ni concerné de près par le burn out d’un proche dans ce milieu. Le stress professionnel touche malheureusement beaucoup de professions. Je vais lancer une banalité mais la société est en crise 😥. Profonde. Perte de sens, de repères car il y a beaucoup de doutes sur les certitudes d’avant. Quel intérêt de rester enfermer à étudier des matières indigestes et parfois abstraites alors que la vie demande des réponses pragmatiques à des choses simples ou à des questionnements liés aux relation aux autres. Comment être? Comment fabriquer, réparer avec ses mains? Peut-être que l’école est trop élitiste, privilégie trop le mental ou n’associe pas assez l’intellect et la pratique. Peut-être faudrait-il privilégier le travail d’équipe, la coopération au lieu de la compétition et ses notations?
Pour moi le Mammouth est has been avec sa structure administrative dévorante.
Et puis il y a une façon d’enseigner, qui doit être humaine, ludique, passionnée et relationnelle. J ‘aurais adoré être prof d’histoire mais j’aurais parlé de la vie des gens dans le contexte de l’époque au lieu de farcir les cerveaux avec des dates. J’aurais privilégié l’image et les vidéos plutôt que l’écrit et le par cœur. Et puis l’histoire des livres est-elle la vraie histoire? Nos ancêtres les gaulois😂…
Pour le reste, rester ou partir? Quand c’est insupportable ou que l’on est pas adapté à ce métier ou à la structure il faut partir. Il y a plein de façons de transmettre et d’apprendre. Et puis changer de voix ou d’expérience de vie peut-être un challenge intéressant.
Désolé pour ce commentaire un peu long.
Bonne journée
Alan
Intéressant Natacha,
Je ne suis pas enseignante, tu le sais, mais je bosse dans un centre de Loisirs et je côtoie les professeurs et les enfants, alors ce que tu nous partages, je le vois, je le ressens.
Je ne savais pas que depuis janvier 2020 les fonctionnaires pouvaient toucher des indemnités. Je vais me renseigner car je trouve que ça change déjà pas mal la donne. Je t’avoue que j’adore mon job mais que j’ai déjà pensé à démissionner mais que je me suis rapidement ôté l’idée de la tête, à cause justement de nos droits par la suite qui étaient à zéro si je ne dis pas de bêtises.
Je t’embrasse fort et espérant que tu trouves rapidement des réponses à ton avenir pro mais je n’en doutes pas. Étant donné que tu aimes dessiner que ça t’a beaucoup aidé, as-tu pensé, par exemple à une formation de thérapeute en art-thérapie ?
Bonjour Natacha,
Merci pour cet état des lieux qui montre que malheureusement beaucoup – beaucoup trop – de gens souffrent dans leur quotidien, dans leur métier.
Etre prof n’est, à mon sens, pas un métier facile, avec toutes les composantes que tu exposes dans ton article. Et ce n’est pas étonnant que la souffrance commence à s’exprimer.
C’est une bonne chose que la parole se libère et que de belles initiatives voient le jour.
Il y a la passion de son métier et c’est peut-être ça aussi qui fait tenir. Mais quand on fait face à des murs, une société qui ne donne pas les moyens d’exercer dans les meilleures conditions, difficile de tenir. Il faudrait revoir le système.
J’espère que tu trouveras une sortie juste pour toi. Déjà se poser la question d’un éventuel après, c’est un pas vers autre chose, c’est une porte ouverte, loin de ce qui oppresse.
Belle semaine à toi et affectueuses pensées parisiennes
Merci pour ton point de vue détaillé, Alan.
Je te rejoins sur le fait que l’école doit évoluer au même rythme que la société, ce qui passe par des mutations en profondeur. Ce n’est pas en se contentant de changer les programmes (pour y ajouter l’utilisation des outils numériques ou la prévention des dangers d’Internet, par exemple) qu’on fera vraiment avancer les choses.
Travailler sur la relation aux autres est essentiel, en effet. La perte de repères actuelle rend de plus en plus difficile l’accès à des valeurs comme la coopération, l’entraide, la solidarité… Là encore, le manque de moyens matériels et humains rendent impossible l’innovation pédagogique.
Certains enseignants y parviennent, malgré tout, parce qu’ils y investissent énormément de temps et d’énergie, au détriment de leur famille, ou de leur santé.
On sait bien que les personnes qui arrivent au burn out sont des êtres humains consciencieux, qui cherchent à faire leur travail le mieux possible… avant de de faire broyer par le système.
Bonjour Sand,
Oui, la rupture conventionnelle est maintenant possible. Il semblerait qu’elle soit très difficile à obtenir dans l’Éducation Nationale.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31094
Pour les autres ministères et dans les collectivités territoriales, ça fonctionne peut-être mieux, je ne sais pas.
Mon projet professionnel se dessine doucement. J’espère qu’il aboutira en 2022.
Bises
Bonjour Marie,
Je crois qu’être enseignant, c’est comme être soignant, ou exercer tout métier basé sur la relation humaine : ça demande énormément d’énergie. Nous ne disposons pas tous du capital santé nécessaire pour faire cela pendant toute notre vie professionnelle.
Je suis devenue prof des écoles par raison, plus que par passion, pour avoir un travail proche de mon domicile et conciliable avec une vie de famille nombreuse.
Maintenant que mes enfants dont partis, je le dis qu’il est temps de faire autre chose, de développer de nouvelles compétences, de vivre d’autres expériences.
La relation avec les élèves me manquera certainement. C’est ce qui est beau dans ce métier et qui aide, comme tu le dis, à « tenir » quand la motivation nous quitte.
Belle semaine à toi aussi,
Bises
Merci beaucoup Natacha ❤️
J’ai consulté à plusieurs reprises une hypnothérapeute, et en discutant avec elle en fin de séance, j’ai appris que la majorité de ses patients en souffrance psychique étaient des enseignants/profs. Je crois que les personnes hors Education Nationale ne se rendent pas compte de la réalité du terrain, et idéalisent le métier.
Quand je parle à mes proches de mon envie de me reconvertir, la réaction immédiate est souvent de l’incompréhension, ils me disent que je suis folle de vouloir quitter cette sécurité d’emploi, ce statut de fonctionnaire… Et puis bien sûr, ils me disent aussi que j’ai une chance folle d’avoir tant de vacances, d’avoir des horaires confortables…
Moi même j’ai conscience de ces avantages non négligeables, mais de sur l’autre plateau de la balance, il y a toutes les contraintes et la réalité du terrain, le sentiment d’être enfermée, d’avoir perdu toute liberté. Je ne supporte plus la hiérarchie et la structure pyramidale avec tous ces maillons, l’inspection académique, le rectorat, le ministère… Je me sens déshumanisée, en manque de reconnaissance permanent.
Prendre la décision de partir sera extrêmement difficile si j’ose le faire, mais au fond de moi je sens que ce sera libérateur et que c’est le chemin que je dois prendre. Lire ton parcours et ton expérience m’inspire beaucoup !
Bonjour Claire,
Merci pour ton témoignage sur l’hypnothérapie.
Beaucoup de profs et personnels de l’Éducation Nationale sont en souffrance, en effet. C’est difficile d’oser dire qu’on ne se sent pas bien quand on a des conditions matérielles qui peuvent sembler idéales : sécurité de l’emploi, salaire fixe, protection sociale en cas d’arrêt de maladie, vacances… Cependant, comme tu le dis si bien, il manque l’essentiel : la reconnaissance et la liberté.
Je te confirme que partir est synonyme de libération !
Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais j’ai au moins une certitude : je suis seule aux commandes maintenant. Je peux faire mes propres choix, orienter ma vie comme je l’entends. Je ne dépends plus d’une entité supérieure. Et ça, ça fait un bien fou après avoir été enfermée pendant 20 ans dans une classe !
Tu es au début du chemin. L’horizon est vaste et tu as de nombreux choix possibles. Bonne réflexion !
Bonsoir,
Je suis prof des écoles depuis 2011 et j’ai fait un burn-out début 2019. Depuis, je suis décharge de direction, je complète les directeurs d’école sur leur journée de décharge ou des collègues qui ont un temps partiel. C’est le début du mouvement départemental de cette année qui m’a fait reprendre les lectures sur le net liées au burn-out des enseignants. Chaque année, au moment du mouvement, je me dis que je ne suis pas encore prête à reprendre une classe, un blocage peut-être ou parce que je sais le niveau d’exigence de travail et de stress qui m’animent lorsque j’ai « ma » classe, « mes » élèves, ajouté au fait que je suis bien plus fragile et lucide que je ne pouvais l’être avant 2019.
Je sais d’où je viens, je ne sais pas où je vais mais je sais une chose, c’est que je dois continuer à m’écouter, suivre ce que mon mental et mes capacités me disent. Bon courage à tous ceux et toutes celles qui sont dans ce cheminement.
Merci pour ton témoignage. 🙂
La période du mouvement est toujours délicate. On fonde souvent beaucoup d’espoirs sur un changement d’école, de poste ou de missions.
Bon courage à tous ceux et celles qui se posent des questions sur leur avenir.
J’ai écrit « Le Guide de la Reconversion des Profs » et les articles de ce blog pour vous aider à avancer, malgré les doutes et les périodes de découragement. Il existe une solution adaptée pour vous : rester, changer, partir… Chacun trouvera ses propres réponses.