Pourquoi écrire dans un carnet secret, même à l’âge adulte ?
Vous voulez prendre du recul sur votre vie, limiter le stress, comprendre vos émotions… Pourquoi ne pas écrire un journal intime ? Longtemps associé au carnet secret de notre adolescence, l’écriture introspective est aujourd’hui reconnue comme un outil efficace de développement personnel. Rédigé à la plume, au stylo ou au clavier, le journal (diary en anglais) prend de multiples formes. Journaling, bullet journal (ou bujo), scrapbooking, ces tendances actuelles ont toutes un point commun : le cahier, un support idéal pour écrire, créer, diminuer le stress, accueillir les émotions et prendre soin de soi.
Dans cet article, nous verrons ce qu’est un journal intime et quels écrivains célèbres ont pratiqué cette forme d’expression littéraire, connue depuis l’Antiquité. Puis nous évoquerons 5 raisons pour lesquelles vous devriez vous lancer dès aujourd’hui dans cet exercice créatif aux multiples bienfaits.
Table des matières
Qu’est-ce qu’un journal intime ?
Un cahier pour écrire chaque jour
Le journal est, par définition, un support écrit rédigé au jour le jour. Il s’agit de transcrire en mot son quotidien sur un support personnel. Ce carnet de bord doit rester confidentiel : on écrit pour soi, pour se relire plus tard, en espérant ne pas être espionné par des yeux indiscrets.
Les cahiers intimes d’adolescents sont des jardins secrets, dans lesquels les parents n’ont pas le droit de pénétrer. Par peur de voir violer son intimité, le jeune écrivain cache son journal. Pour éviter toute intrusion, il peut choisir d’écrire sur ordinateur : les fichiers protégés par mot de passe remplacent alors les carnets cadenassés d’autrefois. La sécurité est infaillible mais le charme de l’écriture à la main disparaît. Quelle que soit sa forme, manuscrite ou numérique, le journal intime permet d’écrire sur soi, ses relations, ses amours, sa famille.
Un moyen de prendre soin de soi
Écrire un journal intime, c’est analyser sa vie avec acuité. Montaigne appréciait l’exercice. Ses Pensées nous ainsi ont laissé un témoignage précieux sur le seizième siècle et la vie du philosophe.
L’acte d’écrire, intimiste et secret, se révèle souvent utile pour traverser une période douloureuse (chômage, maladie, deuil). Les mots apaisent les maux. Ce rendez-vous avec soi-même, régulier et salvateur, instaure une routine rassurante, un repère dans la tempête, pour avancer vers la résilience, pas à pas, jour après jour.
En effet, les phrases écrites portent une réflexion profonde, plus enrichissante qu’une simple introspection et plus intense qu’une séance chez un psychologue. Notre carnet personnel devient un cahier d’autothérapie, un compagnon à qui nous écrivons pour nous libérer du spleen, poser nos pensées sur le papier ou laisser éclater notre joie.
Une forme d’expression littéraire millénaire
Les auteurs de journal intime sont appelés diaristes (de l’anglais diary, qui signifie journal intime). Depuis la Rome antique, de nombreux écrivains, hommes et femmes, nous ont ainsi laissé un témoignage intimiste sur leur temps. Qu’ils se nomment Journal, Pensées ou Confessions, les journaux intimes les plus connus couvrent toute l’Histoire occidentale de notre ère :
- Marc Aurèle (121 – 180)
- Saint Augustin (354 – 430)
- Montaigne (1533 – 1592)
- Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778)
- Louis XVI (1754 – 1793)
- Marie Bashkirtseff (1858-1884)
- André Gide (1869 – 1951)
- Anaïs Nin (1903 – 1977)
- Roland Jaccard (1941 – 2021)
- Anne Frank (1929 – 1945).
À la différence des mémorialistes et des historiens, qui retracent les faits plusieurs années ou siècles après leur déroulement, en s’appuyant sur des documents historiques, les diaristes écrivent au jour le jour. Ils suivent la ligne du temps, et livrent leurs pensées intimes, comme les épistoliers dans leurs lettres. Le record absolu est détenu par Henri-Frédéric Amiel (1821 – 1881). Son journal, rédigé pendant quarante-deux ans, couvre près de 17 000 pages, éditées en douze volumes.
Au même titre que la correspondance, le journal est une source de documentation authentique pour écrire un livre de vie, rédiger un témoignage ou publier une biographie familiale.
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Pourquoi tenir un journal intime ?
L’écriture intimiste présente de nombreux bénéfices. Voici cinq raisons d’écrire dans son carnet personnel, le matin au réveil, le soir pour faire un bilan, ou à n’importe quel moment de la journée.
Ralentir et faire une pause
Sortir son cahier, s’installer confortablement et se mettre à écrire, c’est s’isoler dans une bulle de douceur, s’accorder du temps pour soi. Lors de sa séance d’écriture, l’écrivain « journaliste » s’autorise à :
- accueillir ses émotions ;
- prendre du recul ;
- éclaircir ses idées ;
- explorer ses sentiments ;
- clarifier ses pensées intimes ;
- exprimer ses doutes, ses hypothèses ;
- formuler ses craintes, ses peurs ;
- éprouver de la colère ;
- questionner son ressenti personnel ;
- éprouver de la gratitude et de la joie.
Pendant ces minutes où vous êtes concentré sur votre crayon, le tracé des lettres, la place des mots sur la page, vous vivez le moment présent. Tenir un journal intime est donc une pratique à inclure dans le slow living, un remède anti-stress qui nous aide à ralentir.
Garder trace des événements de sa vie : le journaling
Le terme anglais journaling désigne le fait de tenir un journal. Écrire chaque jour permet de noter les événements importants, les grands moments, les sentiments, etc. Au-delà de cette écriture de soi, le journaling peut être utilisé pour documenter la vie professionnelle : les étapes importantes de la création d’une entreprise, par exemple, le lancement d’une offre, le recrutement de nouveaux collaborateurs, etc. Cette chronique fournit un document précieux pour mesurer les progrès accomplis, valoriser les réussites et prendre conscience du chemin parcouru.
La relecture d’un journal est un voyage dans le passé : grâce aux mots, l’auteur peut remonter le temps. Il revit ses émotions passées, comprend ses choix de vie, part à la rencontre de celui ou celle qu’il était avant. De la même façon, vous pouvez utiliser le journal intime pour vous projeter dans l’avenir, en écrivant une lettre à votre futur moi. Où aimeriez-vous être dans un an, cinq ans, dix ans ? Quels objectifs vous fixez-vous ? Que voudriez-vous avoir accompli pour être fier de vous ?
L’écriture accompagne votre évolution, comme une lente métamorphose. Votre carnet secret devient le confident à qui vous allez confier vos plus beaux souvenirs : la rencontre avec votre conjoint, la naissance de votre enfant, votre premier poste, vos choix professionnels ou personnels, vos accomplissements de l’année écoulée, etc.
Prendre soin de soi : écrire un journal intime pour aller mieux
L’auteur ou l’autrice d’un journal connaît les vertus de son carnet thérapeutique, qui peut devenir un véritable exutoire. En écrivant, il ou elle libère ses tensions intérieures et laisse éclater ses passions, ses coups de blues, ses regrets ou ses remords. Tous les sentiments ont droit de cité, aussi intenses soient-ils. La vérité intérieure apparaît sans fard, brute et directe, ce qui peut être très douloureux. Les personnes introverties, ou souffrant d’anxiété sociale, apprécient cette prise de recul sur le quotidien. Elles reviennent sur les difficultés rencontrées lors des conversations ou des situations anxiogènes, identifient leurs blocages et démasquent leurs croyances limitantes.
Cependant, écrire un journal intime, c’est aussi prendre le temps de savourer les moments heureux, de noter noir sur blanc les réussites, de se remercier pour les progrès accomplis. En se relisant, quelques semaines ou mois plus tard, le propriétaire du journal prend conscience du chemin parcouru, des compétences acquises, des apprentissages réalisés, des rencontres et des opportunités qu’il a su transformées pour en tirer le meilleur. C’est un bel outil pour voyager dans le temps, se voir grandir, se remercier et prendre confiance en soi.
Apprendre à écrire : c’est en écrivant…
Tenir un journal crée une habitude : l’écriture est intégrée dans une routine quotidienne. L’expression écrite devient une seconde nature. Les mots, les phrases naissent naturellement et se posent sur le papier (ou sur l’écran) sans effort. Le diariste (de l’anglais diary, journal intime) raconte sa vie. Il apprend au fil des mois à trouver les mots justes : émotions, sentiments, expressions familières, langage oral, dialogues, etc. Peu à peu se tisse une histoire intime. Selon les jours et l’humeur, la calligraphie sera différente. Le rythme des mots plus ou moins haché, rapide, saccadé. Quand vous êtes heureux, vous écrivez des phrases plus longues, plus littéraires.
Cependant, mieux vaut ne pas chercher à produire un écrit cohérent. Les confessions intimes ne sont pas une histoire de fiction. Aucun plan n’est prévu. L’écriture d’un journal peut s’apparenter à un travail de chroniqueur, tel un journaliste centré sur lui et les évènements de sa propre vie.
Parfois, certains auteurs voudront transformer leur récit en livre, qu’ils publieront en auto-édition. C’est l’étape finale, l’aboutissement. D’autres préféreront conserver leurs cahiers originaux, pour relire avec nostalgie et émotion les mots tracés à la main, en appréciant le charme de leur calligraphie personnelle.
Cultiver sa créativité : quelle présentation pour son journal intime ?
Si l’écriture ne suit pas de trame préétablie, la forme n’en a pas non plus. Tout est possible. Chacun laissera s’exprimer sa personnalité à travers le choix du support, de l’outil scripteur, de la présentation. Au fil des pages, le journal évolue avec son auteur qui construit son identité. Il permet ainsi de prendre confiance en soi, de s’affirmer, de se libérer du regard critique d’un parent ou d’un professeur.
Ce carnet intime est un espace personnel où vous avez toute latitude pour laisser parler votre créativité. Avez-vous envie de décorer certaines pages en utilisant des techniques de scrapbooking ? Préférez-vous dessiner, gribouiller, schématiser, relier ? Vos mots seront-ils posés sagement sur les lignes, en une graphie parfaite, ou s’envoleront-ils dans la page au gré de votre humeur ? C’est à vous de choisir… ou de ne pas choisir. Lâcher-prise et se laisser porter par l’inspiration du moment. Ne pas réfléchir. C’est aussi ça, l’écriture de soi.
Certains journaux intimes s’apparentent à des to-do lists, d’autres sont très littéraires. Vous pouvez également rédiger vos messages sous forme de lettres, adressées à un ami réel ou imaginaire, un proche disparu… ou votre « moi » du futur. Rien n’est figé, rien n’est imposé. Ce n’est pas un exercice scolaire, mais plutôt un espace de liberté, que vous devez apprendre à explorer pour faire rayonner votre unicité.
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Écrire un journal intime : mon témoignage
J’écris dans mon journal depuis l’âge de 14 ans. Le premier volume était un carnet cadenassé, gris, avec un portrait de Marilyn Monroe sur la couverture. Je l’ai numérisé en le copiant sur l’ordinateur avant de le détruire : l’écriture au crayon à papier devenait illisible. Il n’apparaît donc pas sur la photo.
Adolescente, mon journal intime était une correspondance fictive avec Plume. Longtemps, je me suis adressée à cette amie imaginaire, comme Anne Frank écrivait à Kitty.
À l’âge adulte, j’ai commencé à utiliser le clavier : plus rapide et plus pratique, quand on est une maman bien occupée par ses jeunes enfants. Tous les ans, j’imprimais les feuilles au format A5 et les reliait (ce sont les recueils noirs en bas de l’image).
Désormais, je suis revenue à l’écriture manuscrite, au stylo-plume. J’aime prendre le temps de tracer des lettres bien formées sur les pages, d’aligner des mots, de construire des phrases. Je n’écris pas tous les jours, juste une ou deux fois par semaine, selon mon envie et mon besoin de me confier. J’ai longtemps eu honte de poursuivre cet exercice secret souvent associé à l’adolescence. Maintenant je sais que c’est ma bulle d’oxygène, une forme de thérapie.
🌴 Si je devais partir sur une île déserte, un (gros) cahier et un stylo seraient des éléments indispensables à ma survie.
Que retenir ?
Écrire un journal intime est un exercice passionnant. Cette pratique d’écriture quotidienne permet de prendre du temps pour soi. Elle nous aide à déposer sur le papier nos états d’âme pour nous en libérer et les relire plus tard. Le carnet secret de notre adolescence devient un support de créativité où chacun d’entre nous peut laisser libre cours à ses envies : calligraphie, lettering, scrapbooking, dessin, collage… Ces pages sont l’atelier de l’artiste qui sommeille en chacun de nous, le réceptacle de notre parcours atypique, des méandres de nos vies, des obstacles que nous avons surmonté. Enfin, se confier par les mots dans ce jardin secret constitue un bon entraînement à l’écriture pour tous, auteurs en herbe… ou écrivains célèbres.