La difficulté à déceler les femmes autistes
Pourquoi le diagnostic de l’autisme féminin est-il souvent tardif ? Les filles sont-elles réellement moins nombreuses que les garçons à être atteintes de troubles du spectre autistique ? Beaucoup de questions se posent encore aujourd’hui. Nous allons tenter dans cet article de comprendre et d’expliquer cette problématique. Nous vous décrirons les caractéristiques de l’autisme féminin et vous indiquerons les principales raisons de ces détections retardées. Enfin, nous aborderons les accompagnements dont ont besoin les femmes autistes, notamment face aux violences sexuelles auxquelles elles sont fréquemment confrontées.
Caractéristiques des femmes autistes
Selon l’INSERM, 700 000 personnes françaises sont concernées par un trouble du spectre autistique (TSA) dont 60 000 sont autistes. Cette neurodivergence se définit par un ensemble de conditions neurodéveloppementales non choisies impliquant :
- Une difficulté à communiquer et à établir des interactions sociales ;
- Un dysfonctionnement comportemental : gestes répétitifs et restreints, réticence aux changements.
Bien qu’il y ait des particularités communes, le phénotype féminin présente des différences par rapport à celui de l’homme :
- Les femmes autistes ont des difficultés relationnelles bien réelles, mais dissimulées. Elles ont une motivation sociale, une communication verbale et non verbale plus efficace. Ainsi, elles réussissent à élaborer plus facilement une stratégie d’imitation et de camouflage que leurs pairs masculins.
- Elles ont des intérêts spécifiques moins restreints et plus collectivement acceptés. Elles se passionnent pour des sujets en somme assez communs (animaux, littérature, philosophie ou psychologie…).
- Elles possèdent des hypersensibilités sensorielles plus présentes tout au long de leur vie.
- Elles ont également des attitudes passives et crédules plus prononcées. En effet, elles sont souvent dans l’incapacité de déceler les intentions d’autrui.
- Leurs déficiences associées sont plus internalisées, telles que l’anxiété, la dépression ou le trouble du comportement alimentaire (anorexie…). Par contre, elles sont moins susceptibles d’être hyperactives.
Des scientifiques ont constaté un sexe-ratio dans l’autisme de trois garçons pour une fille. Cependant, au vu des dernières recherches, cette proportion serait à relativiser du fait que les femmes ont tendance à être sous-diagnostiquées.
➡️ Article sur une thématique similaire : Être une personne introvertie, mieux se connaître pour s’épanouir
Autisme féminin et stratégie de camouflage social
Le camouflage social, appelé aussi « masking », définit des comportements destinés à cacher des traits de soi-même à autrui dans des contextes relationnels. Il a été découvert par les chercheurs Attwood 2007 ; Gould and Ashton-Smith 2011 ; Kopp and Gillberg 2011 ; Lai et Al. 2011 ; Wing 1981.
Les femmes autistes masquent davantage que les hommes, leurs difficultés en public et leurs rapports interpersonnels, de manière consciente ou pas.
Elles le font pour compenser leurs problèmes d’intégration et de communication liés à leurs troubles autistiques. Cela passe par :
- L’emploi de bonnes attitudes faciales, le maintien du regard, le fait de paraître intéressée ou joyeuse. Mais aussi par l’exagération d’une émotion ressentie, la copie de comportements de ses semblables ou par l’utilisation de correctes expressions orales.
- Le questionnement pour minimiser leur temps de parole.
- La manière d’orienter une conversation vers des sujets qu’elles connaissent afin d’éviter de parler trop d’elles et de leur vie privée.
Elles dissimulent leurs troubles en mode « maîtrise » de façon à éviter d’avoir l’air trop autistes. Ainsi, elles tentent de cacher leurs balancements, contorsions, grattages ou autres pour être acceptées de leurs semblables, accéder à l’employabilité ou pour nouer des relations d’amitié ou d’amour. Certaines vont jusqu’à jouer un rôle par le biais de codes vestimentaires, d’imitation de personnages, de se passionner pour des centres d’intérêt, etc. dans le but d’appartenir à un groupe.
Diagnostic de l’autisme féminin : un repérage difficile
Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les caractéristiques du phénotype féminin engendrent un diagnostic tardif de l’autisme chez les femmes. Ceci, du fait qu’elles possèdent une meilleure capacité d’adaptation relationnelle et qu’elles ont tendance à déguiser leurs symptômes. Petites filles, nous avons une propension à considérer leur timidité, leur calme et leur sagesse pour de la normalité et non pour de la difficulté sociale. Alors que ce type de comportement nous interpellera plus parmi les garçons.
Un autre trouble, tel que la dépression, l’anxiété ou l’hyperactivité, peut empêcher le repérage des signes autistiques.
On s’aperçoit que les outils de détection sont inappropriés face à l’autisme féminin puisque standardisés. Les hommes et les femmes sont comparés sur des critères plus largement basés sur des comportements masculins. En effet, les études cliniques sont réalisées principalement chez les garçons, ce qui engendre une meilleure compréhension du profil masculin au détriment du féminin.
Par conséquent, les femmes sont identifiées 4,8 années plus tard que les hommes, notamment pour le syndrome d’Asperger. Effectivement, celui-ci est encore mal connu. On leur décèle à tort d’autres affections telles que :
- la phobie ;
- la névrose ;
- la bipolarité ;
- le Trouble d’Anxiété Sociale (TAS).
➡️ Pour en savoir plus, voir cet article sur le Trouble d’Anxiété Sociale.
Enfin, du fait de leur naïveté et de leur comportement passif, elles subissent fréquemment des abus sexuels.
Accompagnement sur mesure des femmes autistes
Une autiste doit être accompagnée sur la durée, quel que soit son niveau d’autonomie. Cependant, beaucoup de prises en charge se terminent lors de l’entrée dans la vie active. La femme se retrouve ainsi seule face à de multiples défis à relever :
- Trouver un métier. De nombreux avantages existent pour un employeur, car leurs compétences et qualités peuvent en fait devenir des atouts non négligeables. Toutefois, leurs postes de travail doivent être aménagés, notamment en fonction de leurs particularités sensorielles.
- Se construire une réalité sociale afin de gagner en autonomie et en épanouissement. Elles doivent apprendre à engager une conversation, se faire des amis ou encore organiser un rendez-vous amoureux.
- Gérer la relation à l’autre, telle que la vie affective, familiale, sentimentale et sexuelle. Des associations sont apparues traitant de la prévention et le soutien vis-à-vis des violences faites aux femmes autistes (88 % d’entre elles disent en avoir subi au cours de leur vie).
➡️ Pour en savoir plus sur le sujet, lisez Études et vulnérabilité des femmes autistes face aux agressions sexuelles.
- Contrôler ses troubles au quotidien tels que les phobies sociales et alimentaires ou la peur du changement. Des groupes d’entraide spécifiques aux femmes avec des profils et des parcours très divers se sont développés. Elles peuvent ainsi aborder leurs problématiques rencontrées dans leur vie de tous les jours.
- Se faire suivre du point de vue physiologique, au-delà de l’autisme et selon leurs propres besoins. Cela peut être un psychologue en traitement cognitivo comportemental, un ergothérapeute ou une orthophoniste.
Le trouble du spectre autistique est une déficience dont les signes cliniques sont très divergents selon le sexe et dont les rouages ne sont pas encore en tous points compris. La majorité des études ont été effectuées d’après de nombreux sujets masculins. Ainsi, ne pas tenir compte des spécificités des femmes et filles autistes peut amener à un déficit de diagnostic de l’autisme féminin ou à de mauvais pronostics. Cette errance ou ces erreurs diagnostiques engendrent de grandes difficultés, particulièrement chez les patientes accompagnées tardivement. Elles sont plus enclines à la dépression et à l’anxiété. Par conséquent, bien identifier l’autisme féminin est essentiel pour un meilleur suivi. Cela suppose des actions de formation et d’informations, le déploiement de mesures adaptées et de moyens budgétaires suffisants.
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Article rédigé bénévolement lors de l’élaboration de mon portfolio de formation en rédaction web chez FRW.
Sources :
« Cette psychopathologie se définit par un ensemble de conditions neurodéveloppementales non choisies impliquant »
Le mot est lancé, dès le début de l’article. « Psychopathologie ». L’autisme n’est pas une maladie mentale, sauf dans un pays à la traine sur la question, toujours imprégné par la psychanalyse et tous ses biais. L’autisme n’est pas une maladie mentale, donc, c’est une condition. On ne soigne pas l’autisme, on apprend à vivre avec. Comme on ne soigne pas la trisomie ou des cheveux blonds. C’est bien pour ça que dans un pays comme la France, l’autisme passe autant inaperçu. Personne ne veut être jugé comme anormal pour ce qu’il est. Qu’on soit noir, gay, arabe, autiste, jeune, vieux… Les vrais psychopathes, ce sont ceux qui nourrissent encore et toujours cette quête absolue d’une normalité qui n’existe pas et qui étouffe tout le monde.
J’adore aussi la photo de la « femme autiste », pour illustrer l’article. Comme un avis de recherche. Vous savez désormais, cher lecteur, à quoi ressemble la femme autiste! Démasquée!
L’autisme est un spectre. Son champ est large. Certains auront des traits marqués, d’autres moins. Il n’y a pas de portrait-robot de l’autiste, ou de la femme autiste. L’homme le plus riche du monde est autiste. Mais on trouve aussi des autistes à la rue, incapables de se débrouiller seul(e)s. La militante écolo la plus médiatisée de ces dernières années est autiste. Ces « psychopathes » comme on le dit ici sont après tout très intéressés par le sort de la planète et de l’humanité.
Allez, on arrête là. vous allez finir par croire que c’est plus normal d’être autiste que d’être neurotypique si je continue.
Bonjour,
Nous vous remercions pour votre commentaire qui nous a permis d’améliorer notre article.
Nous avons retiré la photo que vous mentionnez. Vous avez raison : l’autisme est un spectre. La neurodiversité est souvent invisible, ce qui contribue à rendre difficile le diagnostic pour les femmes autistes, reines du camouflage social.