Ilse Sand est une psychothérapeute danoise, spécialisée dans l’accompagnement des personnes hypersensibles ou HSP : Highly Sensitive Person. Dans son livre Hypersensibles, apprendre à s’aimer soi-même pour être heureux, elle nous donne les clés pour comprendre ce trait de personnalité. Grâce à ses conseils, les hypersensibles pourront mieux aborder les situations sociales, apprivoiser leurs émotions, vivre mieux avec les autres et s’aimer tels qu’ils sont. S’aimer soi-même est un bel objectif, n’est-ce pas ?
L’hypersensibilité concernerait 20% de la population.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais préciser que cette lecture a confirmé mon auto-diagnostic : je suis bien hypersensible. Elle m’a également permis de déculpabiliser. Je sais maintenant que des milliers d’autres personnes hypersensibles rencontrent les mêmes difficultés que moi, chaque jour. Nous devons apprendre à limiter l’hyperstimulation et à communiquer nos besoins.
→ Lire aussi : Mon hypersensibilité… loin des clichés
Table des matières
Le trait de caractère hypersensible
► 30% des hypersensibles sont extravertis
Les personnes hypersensibles ont longtemps été qualifiées d’introverties. Or, des recherches menées par Elaine Aron, psychologue et chercheuse américaine, montrent que 30% des HPS seraient extraverties. Les HPS sont des personnes au système nerveux délicat, plus aiguisé que celui des autres. Ainsi, elles perçoivent beaucoup plus de choses dans leur environnement (les sons, les odeurs, les émotions, les humeurs des autres…) et peuvent vite se trouver débordées par cette foule d’informations. C’est ce qu’on appelle l’hyperstimulation.
► Hypersensibilité rime avec créativité
Elles ont également une conscience très développée et se sentent souvent responsables de leur environnement et de ce qui arrive à leurs proches. Quand elles doivent faire un choix, elles ont besoin de temps pour réfléchir à la stratégie à adopter. Elles sont très créatives, peuvent imaginer des solutions nouvelles et innovantes… ce qui a son revers : quand une difficulté se présente, elles vont faire des hypothèses, envisager le problème sous tous les angles, psychoter sur les intentions de telle ou telle personne, etc.
Elles préfèrent les relations interpersonnelles ou en petit groupe, les échanges constructifs (et s’ennuient très vite lors de bavardages anodins). Leur vie intérieure est très riche, avec une grande capacité à s’autoanalyser, à accéder à leur inconscient et à leurs rêves. Leur imagination fertile et leur créativité s’exprimera dans les arts. Elles sont souvent attirées par la spiritualité.
► Les personnes hypersensibles ont des difficultés sociales
Ce sont de grandes lignes de ce trait de caractère. Chaque personne a ses particularités et se sentira plus ou moins concernée par chacune de ces caractéristiques. Certaines auront besoin d’une routine rassurante, d’autres aimeront la nouveauté. Ce qui est commun à toutes, en revanche, est la difficulté à s’adapter dans un monde où on valorise les personnes extraverties*, dynamiques, capables de prendre des décisions sans hésiter, ayant une vie sociale riche et s’intéressant davantage aux choses matérielles qu’à l’introspection ou aux idées.

Règles de vie et estime de soi
► Des règles de vie bien définies
Pour que la personne hypersensible puisse s’épanouir, il lui faut un environnement favorable. Pour cela, elle doit définir les règles de vie qu’elle veut suivre.
→ Lire aussi : Comment créer une routine en 7 étapes
Souvent, elle applique sans s’en rendre compte des règles inculquées dès l’enfance qui exigent d’elle qu’elle soit 100% au top pour tout ce qu’elle entreprend.
Voici des exemples de règles de vie qui posent problème aux HPS :
- je dois faire du mieux possible dans toutes les situations ;
- je dois veiller à ce que les autres ne remarquent pas mes faiblesses ;
- je ne dois pas être égoïste et m’occuper de moi en présence d’autrui ;
- je dois être constamment attentif à mes proches et veiller à leur bien-être…
► Mauvaise estime de soi et peur de l’abandon
La personne hypersensible est donc très exigeante envers elle-même et ne sait pas poser ses limites. Cela va de pair avec une mauvaise estime de soi : je n’ai pas confiance en ma propre valeur, je pense que je ne suis pas digne d’être aimé(e) donc je me dois d’être irréprochable pour faire plaisir aux autres et être accepté(e).
Derrière ces croyances se cache une peur tacite de l’abandon. Les enfants hypersensibles sont beaucoup plus touchés que les autres par les remarques négatives, les soupirs, l’agacement, l’impression d’être un fardeau pour leurs parents. Si on ajoute à cela une tendance naturelle à l’autodénigrement, on arrive à l’âge adulte en ayant toujours cette peur de décevoir et de ne pas réussir à s’intégrer dans la société.
Vous l’oubliez parfois, mais vous êtes désormais adulte. Vous pouvez peut-être avoir autant peur d’être abandonné que lorsque vous étiez enfant, lorsque vous étiez encore petit, démuni et incapable de survivre seul. Les petits enfants ont besoin de leur compte de soins affectueux, sinon ils meurent. Mais les adultes sont capables de survivre des années seuls sur une île déserte. Pour diminuer votre angoisse, souvenez-vous que votre enfance est finie, que vous avez survécu et que maintenant la vie n’est plus aussi dangereuse.
Ilse Sand, psychothérapeute spécialiste de l’hypersensibilité
Conseils aux hypersensibles : ralentir et se préserver
Le livre fourmille de conseils pour aider les personnes hypersensibles à adapter leur environnement et leur rythme de vie à leur mode de fonctionnement particulier. En voici quelques-uns (je vous invite à lire le livre si vous voulez avoir des exemples concrets étayés par des témoignages) :
- Apprendre à savourer les avantages de l’hypersensibilité : jouir de la nature, être en contact avec de l’eau (boire beaucoup, marcher près de l’eau, nager, prendre un bain…), passer du temps avec des animaux, être créatif, voir des œuvres d’art ou en créer, prendre le temps de philosopher, s’occuper de son corps (soins, massages, activité physique), faire plaisir à ses sens (bien manger, écouter de la musique qu’on aime, admirer des fleurs, porter de beaux vêtements…), écrire (un journal, des poèmes ou un roman), approfondir la qualité de ses relations.
- Ménager du temps pour ces activités qui font du bien, limiter l’hyperstimulation et, pour cela, apprendre à dire non. Favoriser les temps de repos (temps végétatif) qui sont essentiels pour se ressourcer.
- Poser ses limites face aux situations sociales : par exemple, quand une personne vient au domicile, lui indiquer l’heure d’arrivée et l’heure de départ souhaitées afin de limiter la durée de la conversation et d’éviter de se retrouver en hyperstimulation.
- Dans une réunion, demander à faire une pause quand on sent qu’on ne parvient plus à suivre.
- Connaître ses limites, les accepter et les exprimer : pour limiter les échanges ou pour refuser une situation sociale dont on sait qu’elle sera très lourde à supporter (exemple : indiquer qu’on quittera la soirée plus tôt que les autres, ou refuser d’aller à une grande fête en plein air car on ne supporte ni la foule, ni les courants d’air)
- Apprendre à stopper les impressions visuelles ou auditives (fermer les yeux quelques minutes de temps en temps, utiliser des lunettes noires, écouter de la musique pour s’isoler des bruits ambiants dans les transports, aller aux toilettes lors d’une réunion familiale pour faire une pause…)

- Prendre conscience des états d’hyperstimulation et s’ils sont présents avant d’aller se coucher, prendre le temps d’évacuer les tensions (en lisant, en dessinant…) sinon le sommeil ne sera pas bon.
- S’il y a eu trop de stimuli extérieurs ou si on a écouté les confidences d’une personne sans pouvoir y répondre, prendre le temps de verbaliser, communiquer, écrire pour exprimer tout ce qui a été emmagasiné.
- Anticiper les journées exigeantes et s’y préparer (temps végétatif pendant la soirée précédente).
- Faire des pauses, des siestes (moins de 30 minutes pour ne pas se retrouver somnolent ensuite).
La grande difficulté est de communiquer ses besoins, ses attentes, auprès des autres personnes. L’autrice donne des conseils concrets pour intervenir dans une réunion ou gérer une conversation en variant les niveaux de contact :
- niveau 1, bavardage et propos superficiel ;
- niveau 2, échange sur un sujet ;
- niveau 3, partage confiant d’impressions, de sentiments et de confidences sur un sujet ou une autre personne ;
- niveau 4, contact direct sur la relation commune, ici et maintenant.
Colère, culpabilité et honte
► La peur des conflits
Les personnes hypersensibles n’aiment pas la colère. Leur système nerveux fragile en est perturbé et, après un accès de colère ou une querelle violente, il leur faut généralement beaucoup de temps pour retrouver leur équilibre. On les considère souvent comme des phobiques du conflit. Elles savent que dire « non » ou « je ne suis pas d’accord » de façon posée est bien plus efficace que de laisser éclater sa colère. Il est préférable également de reporter toute décision à une date ultérieure, ce qui permettra à la personne hypersensible d’y réfléchir calmement (chose qu’elle ne peut pas faire quand elle est hyperstimulée).
La colère cache d’autres sentiments, des besoins inassouvis, des désirs inavoués. Comme la personne hypersensible est capable d’introspection et de perception, elle pourra identifier la vraie cause du problème. La question à se poser quand la colère arrive est : « Qu’est-ce que je souhaite obtenir là maintenant ? » Il faut mettre des mots sur ses désirs, même si l’interlocuteur ne peut ou ne veut pas les combler.
► Attention aux relations toxiques
Les personnes hypersensibles sont susceptibles de se retrouver sous l’emprise d’individus malveillants.
→ Pour en comprendre les mécanismes, vous pouvez lire : Violences psychologique : l’emprise
Comme elles détestent les conflits et sont très empathiques, elles n’oseront pas identifier ce qui ne va pas dans la relation et encore moins le dire. L’autrice conseille de faire des constats sur son propre ressenti, sans remettre en question sa propre personnalité ou incriminer l’autre.
Par exemple, il est préférable de dire : « Je n’apprécie pas quand vous me parlez sur ce ton » plutôt que « Je sais que je suis trop susceptible » ou « Vous n’avez pas le droit d’être aussi agressif avec moi« . On retrouve ici les principes de base de la communication non violente (CNV).
► La colère, moteur des hypersensibles
La colère domine tous les autres sentiments. Elle peut étouffer le chagrin ou masquer des espoirs de changement. On utilise la colère pour se donner la force d’affronter ce que l’on veut changer. Mais parfois, ce qu’on cherche ne peut pas être modifié et la colère ne s’apaise donc jamais.
Par exemple, vous êtes en colère contre vos parents âgés parce que vous espérez pouvoir réécrire le passé, qu’ils vous donnent l’affection dont vous avez manqué dans votre enfance. En prenant conscience de ce qui se cache derrière la colère, vous pouvez la transformer en chagrin, puis faire votre deuil et accepter ce qui ne peut être changé.
Face à la colère ou aux reproches des autres, il faut éviter de se faire la morale soi-même. Éviter les « J’aurais dû » (par exemple, « J’aurais dû m’occuper davantage de toi quand tu étais petit ») pour leur préférer les souhaits (« Je souhaiterais pouvoir te donner une autre enfance » ou « Je voudrais bien avoir été plus présente« ). Être conciliant avec soi-même, avoir une approche positive, se parler comme on parlerait à un proche qui aurait des difficultés (un frère, une sœur). On est souvent bien trop sévère envers soi-même quand on a une faible estime de soi.
► Honte et culpabilité : des sentiments à travailler
La culpabilité va de pair avec le pouvoir. Chez les personnes hypersensibles, cependant, la culpabilité est souvent excessive et dépasse leur responsabilité : elles se sentent coupables pour des choses sur lesquelles elles n’ont aucun pouvoir, des événements sur lesquels elles ne peuvent intervenir. Cette culpabilité exacerbée peut être une défense contre le chagrin et l’impuissance. Par exemple, il est plus facile de se sentir coupable d’un mauvais mariage que d’admettre que votre mari ne vous aime plus.
Celui qui ressent de la culpabilité est celui qui peut agir. Il peut proposer de réparer sa faute si le sentiment de culpabilité est fondé, ou faire un travail sur lui-même s’il ne l’est pas. La honte est plus diffuse. Il est difficile de dire ce que l’on a fait de mal. On ressent une impression confuse d’avoir mal fait, assortie de l’angoisse que quelqu’un ne le découvre.
Les personnes sensibles ont souvent honte de leur fatigue, du fait qu’elles s’ennuient avec les autres ou ne supportent pas les bavardages inutiles. Honte de ne pas pouvoir prendre les choses à la légère, de ne pas savoir dire non… Pour progresser, il faut écouter parler d’autres personnes sensibles, comprendre qu’on n’est pas seul(e) à vivre la même chose. Et remplacer peu à peu les expériences anciennes (qui peuvent remonter à l’enfance) par des expériences nouvelles, des moments où on a osé progresser vers les autres et réussi à obtenir ce que l’on attendait.
Couple et parentalité : apprendre à cohabiter
Beaucoup d’hypersensibles choisissent de vivre seuls. Avoir une bonne relation avec un conjoint résistant et extraverti est possible si celui-ci comprend et accepte votre hypersensibilité (par exemple : il conduit la voiture, fait les courses, emmène les enfants aux compétitions sportives…) Si ce n’est pas la cas, la relation sera difficile à vivre et source de stress pour la personne hypersensible. Certaines préféreront se séparer et retourner à leur célibat. En espérant avoir la chance de rencontrer un conjoint qui soit lui aussi hypersensible. Dans ce cas, la relation est plus facile à vivre, chacun respectant le rythme de l’autre, son besoin de calme, ses moments de repos.
Il est difficile d’être parent et hypersensible car il faut jongler avec les bruits, les sollicitations permanentes des enfants, l’imprévisibilité. Beaucoup de personnes hypersensibles font le choix de ne pas avoir d’enfant, ou un seul. Les hypersensibles ont de grandes qualités en tant que parents : ils sont consciencieux, intuitifs, attentifs et savent deviner les besoins de leur enfant. Comme ils ont besoin de moments de retrait, ils doivent pouvoir compter sur l’aide de leur conjoint. S’ils sont parents solos, ils auront besoin de soutien de leurs proches pour pouvoir se décharger de certaines tâches et se ressourcer. Ils devront aussi faire des choix (par exemple, ne pas assister à certaines réunions à l’école ou à certaines compétitions sportives), même s’il est difficile pour eux de ne pas pouvoir offrir plus de temps à leur enfant.
Souffrances psychiques et thérapie
La dernière partie du livre aborde la vulnérabilité à l’angoisse et à la dépression, ainsi que le risque de confondre hypersensibilité et fragilité lié au syndrome de stress post-traumatique. Vous pouvez être hypersensible et avoir une souffrance psychique. Il est important d’identifier les deux pour recevoir le traitement nécessaire s’il y a souffrance psychique.
Les personnes hypersensibles tirent un grand profit d’une psychothérapie qui va les aider à travailler sur l’estime de soi. Elles vont ainsi pouvoir se réconcilier avec elles-mêmes. L’objectif est simple : avoir enfin le courage d’être soi. Si on ne peut « guérir » du trait de caractère hypersensible, on peut apprendre à s’aimer soi-même et à se donner tout l’amour dont on a peut-être manqué par le passé.
Le livre se termine par un test simple pour évaluer notre degré de sensibilité (sur une échelle allant de -52 à +140, j’ai obtenu 101 points). Toute personne obtenant plus de 60 points peut être considérée comme probablement hypersensible. Ce test donne juste une indication. Les questions sont intéressantes pour identifier les sources possibles d’hyperstimulation.
Mon avis
Hypersensibles, apprendre à s’aimer soi-même pour être heureux est donc un livre riche d’informations pour les personnes hypersensibles (ou leurs proches qui souhaitent pouvoir mieux les comprendre). L’autrice s’exprime dans un langage simple, accompagné d’exemples concrets et de témoignages recueillis auprès des personnes qu’elle a accompagnées en thérapie. C’est une bonne approche du trait de personnalité hypersensible, qui donne des clés pour aborder les situations sociales. Les conseils aux hypersensibles sont clairs et illustrés par de nombreux témoignages.
En revanche, ce livre aborde très peu les éléments corporels liés à l’hypersensibilité, ce que j’aurais également aimé trouver dans un livre pratique sur l’hypersensibilité. Il existe certainement des solutions pour mieux gérer les stimuli extérieurs, apprendre à préserver son système nerveux fragile et savoir se ressourcer. Malgré ce petit bémol, ce fut une lecture enrichissante qui me donne envie de progresser : je dois ainsi apprendre à identifier et exprimer mes besoins vis-à-vis de mon entourage personnel et professionnel.
Un roman pour les hypersensibles

Si vous aimez lire des romans légers et agréables, je vous conseille À fleur de peau de Saverio Tomasella. Vous y découvrirez l’histoire de Flora, une jeune femme hypersensible. De rencontres en découvertes, Flora va s’ouvrir au monde et utiliser sa sensibilité pour porter un nouveau regard sur son entourage.
*L’extraversion (le fait d’être extraverti) est décrit par les termes suivants : attitude chaleureuse, besoin de contacts, assurance, dynamisme, recherche de stimulation et émotions positives (dans le modèle des cinq facteurs de la personnalité, qui est aujourd’hui le modèle dominant en psychologie de la personnalité). L’introversion (le fait d’être introverti), elle, se caractérise par… l’absence des qualités de l’extraversion ! Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de personnes introverties et sensibles souffrent d’une faible estime de soi.
Pensez-vous être une personne hypersensible ? Comment vivez-vous ce trait de caractère ? Quelles sont vos difficultés dans la vie quotidienne ?
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