Claire Wortham : de prof à YouTube, la passion des mots
Avant, elle était prof de français. En 2022, Claire Wortham a quitté l’Éducation nationale pour devenir rédactrice web et se consacrer à la création de contenus vidéos sur YouTube. Quelles ont été les étapes de cette reconversion ? Dans cet entretien, elle nous parle de sa nouvelle vie d’entrepreneure, de ce qu’elle aimait dans son métier d’enseignante, de sa passion pour les mots et de lectures audio.
Bonjour Claire, tu as été professeure de français dans le second degré. Qu’est-ce qui t’a amenée à choisir ce métier ?
Quand j’ai commencé à réfléchir à mon orientation, au lycée, l’idée d’enseigner s’est présentée. Mais je l’ai repoussée : à ce moment-là, je ne m’imaginais pas du tout prendre la parole devant des élèves. J’étais plutôt discrète.
Après mon bac littéraire, je me suis inscrite à l’université, en filière de lettres modernes. Par goût personnel, bien sûr. Mais aussi parce que je n’avais pas d’autre choix. Les petites villes de province n’offrent pas beaucoup de débouchés dans les domaines littéraires (écoles de journalisme, filières culturelles…).
Après ma licence, j’ai passé le concours pour devenir professeure de français. Je me suis retrouvée stagiaire à 23 ans, sans avoir jamais travaillé ailleurs. C’était difficile car je ne me sentais pas légitime. Mais très vite, j’ai aimé mon métier : transmettre, partager des savoirs, guider les élèves… La relation que j’avais avec eux me nourrissait et ça se passait très bien.
Comment s’est déroulée ta carrière ?
J’ai eu la chance d’être affectée au Mans. J’ai enseigné au collège et au lycée, dans des établissements plutôt sympas. Je préférais le collège : les élèves sont plus jeunes, plus spontanés. Ils apprécient les activités créatives, qui sortent un peu du cadre habituel, comme les ateliers d’écriture. Au lycée, c’est différent : il faut se concentrer sur les examens. Je me souviens notamment d’une classe de première : les élèves rechignaient dès que je tentais de m’éloigner (un peu) de la préparation du bac.
Je reconnais que j’aimais avoir une marge de manœuvre et transmettre ma passion avant tout, contrairement à certains profs qui cherchent juste à boucler le programme. Ainsi, j’aimais beaucoup lire des œuvres à voix haute en classe, ce que certains de mes collègues ne comprenaient pas. Si les professeurs des écoles le font en primaire, pourquoi devrait-on arrêter au collège ? Les élèves adoraient ça : ils restaient souvent à la récré pour m’écouter ! Aujourd’hui, je poursuis ce partage sur ma chaîne YouTube La Verve et la Plume.
Qu’est-ce qui t’a amenée à changer de métier ?
Comme de nombreux profs, j’ai fait un burn out. Il fallait que je me réoriente. J’ai découvert la rédaction web un peu par hasard en cherchant sur Internet. J’ai commencé une formation pour devenir rédactrice web. Ce projet m’a aidée à aller mieux : j’avais un but, un objectif à atteindre.
J’ai demandé et obtenu ma rupture conventionnelle pour quitter l’Éducation nationale au premier septembre 2022. Comme je venais de terminer ma formation de rédactrice web, j’ai pu créer mon entreprise et travailler pour mes premiers clients. Grâce à la rupture conventionnelle, j’ai obtenu l’ARE (Allocation de retour à l’emploi) : Pôle Emploi complète mon chiffre d’affaires. Cette sécurité financière m’a permis d’être plus sereine à mes débuts.
Beaucoup de profs aiment écrire et rêvent de vivre de leur plume. C’est ton cas, puisque tu es rédactrice web. Peux-tu nous parler de ton activité ? Que fais-tu exactement ?
J’écris surtout des articles de blog et des pages fixes pour des sites Internet. Certains rédacteurs web remplissent également d’autres missions, comme l’écriture de posts pour les réseaux sociaux ou la rédaction des newsletters de leurs clients. J’ai testé plusieurs formats. Au final, je préfère les articles, car j’apprends des choses en les écrivant.
Je me suis spécialisée sur le thème des énergies et de l’écologie. Actuellement, ça représente la moitié des articles que j’écris. J’ai un gros client dans ce domaine. Je travaille aussi avec deux agences, qui me transmettent les demandes de leurs clients. Les thématiques sont variées : immobilier, automobile… Selon les sujets, je dois faire des recherches plus ou moins poussées pour me documenter.
Mon chiffre d’affaires varie d’un mois à l’autre, selon les commandes de textes que je reçois, mais j’arrive à en vivre. Je garde du temps pour m’occuper de mes chaînes YouTube.
As-tu des regrets d’avoir quitté l’enseignement ?
L’ambiance de classe et les relations avec les élèves me manquent. Je dirais que j’ai gardé le meilleur de ma vie de prof pour le diffuser sur YouTube. Créer des vidéos, c’est dans la continuité, une autre façon de transmettre. Et j’y trouve mon compte.
Tu as créé tes chaînes YouTube quand tu étais encore prof ?
Oui, j’ai créé la première chaîne, Les Choses au Claire, quand j’étais encore stagiaire, en décembre 2016. J’avais un triple objectif : améliorer ma prise de parole pour être plus à l’aise à l’oral, prendre confiance en moi et parler de thématiques qui me plaisent. Au début, nous étions deux et mon compagnon de l’époque faisait souvent des vidéos sur des thématiques politiques. Depuis, j’ai récupéré la chaîne pour moi toute seule, et la ligne éditoriale a évolué pour se recentrer sur la philosophie et la sociologie.
La deuxième chaîne, La Verve et la Plume, je l’ai créée pendant le confinement. Je commençais à m’essouffler en tant que prof et je me disais qu’une chaîne littéraire pourrait me donner une porte de sortie. Je ne pensais pas encore à la rédaction web. Au début, je faisais des petites leçons de langue pour éclaircir des notions d’orthographe ou de grammaire.
Aujourd’hui, sur cette chaîne, je publie trois formats principaux :
- Vocabulaire : je fais découvrir des mots plus ou moins soutenus, peu usités, afin que les gens enrichissent leur lexique.
- Ateliers d’écriture : je propose un sujet, je me filme en train d’écrire pendant dix minutes et j’invite tout le monde à prendre la plume. Il n’est pas nécessaire d’être talentueux pour écrire ; l’écriture est une pratique créative et thérapeutique accessible à tous.
- Lectures audio : j’adore lire à voix haute et transmettre ma passion pour la littérature. Mon seul regret est que je suis restreinte dans le choix des textes : je ne peux lire que des œuvres du domaine public.
Mon audience participe, notamment pour les vidéos de vocabulaire : elle me donne des idées de mots à présenter. Sur Les Choses au Claire, les gens me proposent aussi des sujets. Je crée une vidéo si le thème correspond à mes valeurs et si je me sens à l’aise pour en parler.
Souhaites-tu aller plus loin dans ta création de contenus ?
J’aimerais pouvoir consacrer la moitié de mon temps à YouTube et la moitié à la rédaction web. Pour le moment, ce n’est pas possible car la monétisation des vidéos ne me rapporte pas suffisamment.
Certains YouTubeurs font des partenariats avec des marques, mais je m’y refuse. Je n’aime pas l’idée d’inciter ma communauté à acheter des objets, car je suis assez minimaliste. Il y a déjà des publicités sur mes vidéos, ce que je trouve bien suffisant.
J’ai eu deux collaborations :
- un webzine orienté écologie, pour lequel j’ai accepté d’écrire des articles de philosophie ;
- une maison d’édition qui m’a offert un très bel ouvrage en échange d’une présentation en vidéo.
Ces chaînes YouTube apportent du sens à ce que je fais : je peux diffuser un message en accord avec mes valeurs et transmettre ma passion pour les mots. J’écris aussi, pour mon plaisir personnel. C’est vital pour moi. Je souhaite dégager du temps pour me consacrer à ces activités, en parallèle de mon entreprise de rédaction web. C’est l’avantage d’être freelance : je peux m’organiser comme je le souhaite et définir mes priorités.
Merci Claire d’avoir accepté cette rencontre.
Interview réalisée le 29 novembre 2023 par Natacha Colbert, autrice du 🧭 Guide de la Reconversion des Profs.
📽️ Retrouvez Claire sur ses deux chaînes YouTube :
- Les Choses au Claire : philosophie et sociologie
- La Verve et la Plume : vocabulaire, ateliers d’écriture, lectures audio
✒️ Pour lui confier une mission de rédaction, rendez-vous sur son site professionnel : clairewortham.fr.
💡 Enfin, si vous souhaitez en savoir plus sur la procédure de rupture conventionnelle qui a permis à Claire de quitter l’Éducation nationale, vous pouvez lire le chapitre 10 du 🧭 Guide de la Reconversion des Profs.