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Du couple à la famille atypique : ce qu’il faut savoir avant de s’engager

Comment fonder une famille quand on est une personne atypique ? Telle est la question à laquelle Élodie Crépel répond dans son nouveau livre, Ma famille atypique, paru en octobre 2022 aux éditions Leduc. De la rencontre d’un partenaire de vie aux premières années du bébé, en passant par la sexualité du couple atypique, toutes les étapes sont abordées sans tabou. Hypersensible, haut potentiel émotionnel, HPI… quel que soit votre profil, vous trouverez dans ces pages des informations utiles, des conseils pratiques, des témoignages, etc.

Élodie Crépel est psychanalyste, médiatrice familiale spécialiste des atypies et mère de quatre enfants, tous différents. Elle vous guide vers un objectif simple : apprendre à respecter les besoins de chacun, afin que votre enfant atypique grandisse dans une famille épanouie. Parcourons ensemble ce livre, dont la lecture m’a apporté un nouveau regard sur mon expérience de la maternité.

Comprendre l’hypersensibilité et la douance

Êtes-vous une personne atypique ? Quel est votre profil ? Le premier chapitre nous emmène dans le monde de la neuroatypie : hypersensibilité, haut potentiel émotionnel, douance, etc. Chacun d’entre nous doit définir précisément sa carte d’identité. Connaître son fonctionnement et ses particularités est primordial pour exprimer ses valeurs et respecter ses limites.

L’autrice s’attarde sur les hyperesthésies, c’est-à-dire l’augmentation de la sensibilité pour un ou plusieurs des cinq sens. Une double page vous donne des indices pour savoir si vous avez une hyperesthésie visuelle, olfactive, auditive, gustative et / ou kinesthésique.

Pages 34 et 35 du livre "Ma famille atypique" intitulées "Décryptez vos hyperesthésies".
Décryptez vos hyperesthésies (Ma famille atypique, pages 34 et 35)

J’ai pris conscience, grâce à ces exemples, que j’étais hyperesthésique pour chacun des cinq sens. Si j’avais déjà repéré ma sensibilité au niveau du goût, de l’odorat, de l’ouïe et du toucher, je n’avais jamais réalisé que cela concernait aussi la vue. Le bazar, les décorations, les motifs, etc. sont sources de fatigue visuelle. Je comprends mieux, maintenant, pourquoi j’aime les espaces dégagés, les ambiances minimalistes ou les vêtements unis.

➡️ Lire à ce sujet mon témoignage : Mon hypersensibilité, loin des clichés

Gare à la surstimulation ! Elle peut transformer votre quotidien en un véritable enfer ! Par exemple, le travail en open space est souvent éreintant pour les personnes atypiques, ainsi que les vacances avec des enfants. Les témoignages disséminés dans le livre sont précieux : ils disent, sans tabou, qu’il est normal d’être fatigué ou d’avoir besoin de moments de calme. Après avoir été exposé au bruit, au mouvement, etc., vous avez le droit de vous isoler pour souffler. Sans culpabilité.

Faire famille… ou pas

Qu’est-ce qu’une famille ? Élodie Crépel la définit avant tout comme un lieu d’expériences, une microsociété dans laquelle il faut vivre ensemble. Chacune est unique, forgée par les personnalités des individus qui la composent. Havre de paix, cocon stimulant ou source de souffrance, elle est une composante essentielle de notre développement.

La famille, c’est un guide pour la vie, et nous ne partons pas tous avec les mêmes chances : ce guide peut être fin ou épais, écrit dans une langue étrangère ou magnifiquement illustré. (page 15)

Le syndrome du caméléon

La grande difficulté des familles atypiques, c’est la comparaison. Enfermées dans le syndrome du caméléon depuis l’enfance, de nombreuses personnes atypiques cherchent à imiter les autres et leur fonctionnement. Cette habitude s’immisce dans leur parentalité et les entraîne à la poursuite d’un idéal qu’elles n’atteindront jamais. Ainsi, les mères atypiques vont avoir tendance à comparer leurs ressentis à celles des autres femmes de leur entourage. Mais les hyperesthésies rendent leur grossesse et leur maternité bien différentes.

Les pères atypiques, de leur côté, peuvent s’interroger sur l’attitude à adopter face au tout-petit. Que faire pour lui apporter tout ce dont il a besoin ? En se comparant aux autres hommes, ils ont souvent le sentiment de ne pas « être à la hauteur » de la tâche, ce qui génère du stress et des angoisses.

Le désir de perfection des parents atypiques

Perfectionnistes, les parents atypiques sont des éducateurs attentifs et consciencieux. Chez eux, les questions liés aux enfants sont sources d’incessantes ruminations et de douloureuses remises en question. Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul à vous interroger. Vous faites de votre mieux pour votre enfant et, si vous lisez le guide d’Élodie Crépel, vous trouverez des témoignages rassurants pour vous aider à mieux vivre votre quotidien de parent hautement sensible.

➡️ Vous pouvez également lire ici mon avis sur le livre Femme atypique d’Élodie Crépel.

Constituer un couple atypique

Si les connaissances sur les neuroatypies évoluent chaque jour, il existe encore peu de ressources sur le couple atypique. Ma famille atypique a le mérite de parler sans détour de la rencontre amoureuse et de la sexualité des personnes atypiques. Si des expériences douloureuses vécues dans le passé ont laissé de profondes souffrances, il faut réussir à les apaiser par la résilience.

Les pièges à éviter

Créer un couple nécessite des remaniements personnels. Plusieurs pièges peuvent se présenter :

  • tenter de normaliser son couple en se conformant aux normes sociales, sans identifier ses propres attentes ;
  • nier son fonctionnement atypique, au détriment de ses besoins ;
  • se créer un faux-self pour être accepté (syndrome du caméléon).

Les représentations liées au genre

Derrière ce dernier point se cachent des injonctions sociétales liées au genre, que l’autrice aborde à cœur ouvert. Quelles représentations avez-vous de l’autre sexe ? Pensez-vous que votre genre vous impose certaines responsabilités ? Ouvrir le dialogue entre les partenaires est important pour comprendre les attentes de chacun, construire un couple sain et limiter les conflits conjugaux. Aimer l’autre pour qui il est, et pas pour ce que vous voudriez qu’il soit.

La qualité de la communication est un facteur bénéfique pour une vie sexuelle épanouie, basée sur le consentement. Les personnes atypiques aiment l’authenticité et la connexion avec leur partenaire. Chacun doit pouvoir exprimer librement ses désirs et ses fantasmes, sans jugement.

Passer du couple à la famille atypique

Avoir ou non des enfants demande aux atypiques une véritable réflexion. Ils vont s’intéresser à la parentalité, lire des livres, écouter des podcasts, discuter avec des proches qui sont eux-mêmes parents, etc. Si vous êtes dans cette situation, vous avez déjà certainement expérimenté cette phase de curiosité insatiable, pendant laquelle vous allez chercher à tout savoir sur le sujet.

Les quatre piliers du couple parental

Pour passer du couple conjugal au couple parental (si tel est votre souhait), vous devrez prendre en compte quatre dimensions :

  • la solidarité (former une équipe parentale et rester connectés l’un à l’autre pour se soutenir) ;
  • le partage éducatif (répartir les rôles pour atteindre les mêmes buts communs) ;
  • l’antagonisme (développer des stratégies de communication non violente pour gérer les disputes liées à l’éducation) ;
  • l’engagement mutuel (s’investir dans la vie quotidienne des enfants, pour que chaque parent assume sa part de la charge mentale du foyer).

La théorie des cuillères

L’autrice aborde la théorie des cuillères de Christine Miserandino, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. L’énergie des personnes atypiques s’épuise très vite. Vous avez une batterie rechargée à 100 % le matin (si vous avez bien dormi). Vous ne pourrez pas dépenser 110 % d’énergie dans la journée.

En tant que parent d’un enfant atypique, vous devrez veiller à bien répartir vos dépenses énergétiques, en fonction de trois types de charges : mentale, émotionnelle et sociale. Ces charges augmentent dès le moment où la femme atypique découvre qu’elle est enceinte. Elle doit apprendre à lâcher prise et à consacrer du temps pour sa vie personnelle, le temps pour soi. Le couple, par le dialogue et le respect mutuel, peut organiser les tâches afin que chacun trouve son équilibre.

Le burn out parental

J’ai apprécié que l’autrice consacre un paragraphe au burn out parental, un sujet souvent ignoré, même si sa fréquence augmente.

Les quatre grands symptômes du burn out parental sont :

  • irritabilité ;
  • épuisement ;
  • distanciation avec les enfants ;
  • sensation de ne pas être le parent que l’on souhaiterait être.

Élodie Crépel invite à consulter un thérapeute formé à cette problématique, qui touche les parents très investis dans leur rôle, à la recherche d’une parentalité idéale.

J’ai subi un effondrement, huit ans après la naissance de mon troisième enfant. À l’époque, je ne connaissais pas le terme de burn out parental. La culpabilité et le sentiment d’échec m’ont complètement terrassée. Je disais que j’étais une mauvaise mère, allant jusqu’à penser que je n’aurais pas dû avoir d’enfants ! Se remettre d’une telle épreuve est très lent et douloureux. Les cicatrices ne s’estomperont jamais.
Je souhaite donc que la problématique du burn out parental soit mieux connue pour éviter cela à d’autres jeunes mamans ou papas. Je tiens à remercier Élodie Crépel d’oser aborder ce sujet sans pudeur dans son livre.

Respecter les besoins du bébé atypique

La grossesse et l’accouchement sont des étapes complexes pour la femme atypique, sensible à la douleur et gênée par les hyperesthésies. Chacune traversera ces mois de matrescence à sa manière. Le livre donne quelques pistes pour bien appréhender cette période délicate et mieux vivre cette métamorphose. Les mères atypiques peuvent être perfectionnistes, exigeantes et idéalistes. Des petits exercices sont proposés pour apprivoiser ces trois traits de caractère.

Père atypique : un père qui porte sa fille dans ses bras. Il souffle sur son ventre et elle rigole.

Les émotions du papa atypique

Une partie est consacrée à la paternité des hommes atypiques, afin de les aider à renouer avec leurs émotions et à faire face aux stéréotypes de genre. Ils sont nombreux à investir leur rôle de père avec passion. Après la naissance de leur enfant, ils ressentent alors un élan vital appelé entéléchie. C’est un bouleversement profond, similaire à un tsunami émotionnel. Si cette entéléchie est fragilisée, les symptômes qui apparaissent sont souvent confondus avec une dépression : fatigue, manque d’entrain, trouble de l’appétit, somatisation, etc.

L’éducation du bébé atypique

La dernière partie du livre aborde les premières années de vie du bébé. Comment accueillir ce petit être et respecter ses besoins ? Quelles sont les particularités des bébés atypiques ? Faut-il faire tester les enfants ? La communication dans le couple parental est la base de l’éducation. Les parents prennent les décisions ensemble et s’adaptent aux imprévus, afin de répondre au mieux aux besoins de leur enfant.
➡️ Enfant atypique : détecter, comprendre, valoriser

Mon avis

Ce livre, très complet, est une référence dans le domaine de la parentalité des personnes atypiques. Écrit par une mère atypique, il regorge de témoignages, d’exercices et d’astuces pour alimenter la réflexion des jeunes atypiques et des couples. Il apporte une ouverture sur la différence, les besoins spécifiques de chacun et la communication non violente.

J’ai apprécié la partie sur la grossesse et l’enfantement. Grâce à l’expérience personnelle d’Élodie Crépel, j’ai compris pourquoi je n’ai pas aimé être enceinte. Si j’avais lu ce livre avant ma première grossesse (il y a plus de vingt ans), j’aurais certainement identifié les particularités de mon corps (hyperesthésies), afin de mieux me préparer à ce grand bouleversement hormonal et psychologique.
Je suis heureuse aujourd’hui de savoir que ce livre existe, pour mes filles et toutes les femmes atypiques qui s’interrogent sur la maternité.

Bonne lecture !

Ma famille atypique, Élodie Crépel (préface de Saverio Tomasella), éditions Leduc, octobre 2022, 256 pages

Êtes-vous parent d’un enfant atypique ? Avez-vous fait le choix de ne pas avoir d’enfant ? Racontez-nous en commentaire.

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